8 juin 2008

Guitar heroes

A voir en écoutant : The Seeds - Can’t Seem To Make You Mine


Ca commence par "Jeux interdits", avec hésitation, les doigts pincent les cordes ; ça se poursuit avec "Layla", un soir d'été, sur les quais de Seine, à 16 ans, première sensation vertigineuse d'être devenu un roi devant le regard enamouré des jeunes filles ; ça explose en "Voodoo Child", seul, devant la glace, avec hochements de tête et imaginaires ovations.

Où trouver les origines de cette fascination pour la guitare ? Je peux choisir la version pragmatique : la guitare, c'est léger, pas cher, pas encombrant (il est effectivement plus difficile de traîner son piano, un soir d'été, sur les quais de Seine, à 16 ans). Mais je choisis d'opter pour la version poétique : la guitare, c'est des courbes, des volumes, "Stairway to heaven", "Smoke on the water", "Smells like teen spirit", des mots doux comme Fender, Martin ou Gibson. Ex-joueur de guitare (n'est pas guitariste qui veut) ayant relégué ton instrument au sommet inaccessible de ton armoire, ou ex-jaloux du joueur de guitare (cf le regard enamouré des jeunes filles), je t'invite à te rendre à l'exposition "My Generation" de la Galerie Laurent Strouk présentant les peintures d'Ivan Messac sur le thème de... la guitare.

D'abord, parce que j'aime Ivan Messac, 20 ans en 1968, et que nous devons le venger de ne pas figurer dans l'exposition du Grand Palais consacré au mouvement de la Figuration Narrative dont il est issu. Aussi décomplexé que mon oeil naïf, Ivan Messac a l'audace de ne pas se limiter à un art : il est peintre, sculpteur, parfois romancier (pseudo : Xavier Mariani).
Ensuite, parce que l'exposition est l'occasion de plonger avec délice dans une heureuse nostalgie. L'enfant du Pop Art qui puise son inspiration dans le quatuor BD-photo-ciné-pub, traduit l'énergie et l'attitude de nos guitar heroes par son travail sur la couleur, proposant une autre approche de la réalité.
En prenant le temps (prendre le temps, dernier luxe de l'époque?) devant John Lee Hooker "Boom boom", tu prends la mesure du talent d'Ivan Messac. Chaque couleur tient le rôle principal comme Louise Brooks dans "Une fille dans chaque port" -si tu m'autorises une anachronique analogie cinématographique-, mais chaque couleur est également partie intégrante d'un film-chorale, tel Gene Kelly-Debbie Reynolds-Donald O'Connor-Cyd Charisse dans "Singin' in the rain".

En effet, l'orange des guitares qui entourent la tête de John Lee Hooker sert à auréoler, au sens propre, l'icône du blues ; le bleu qui dessine sa silhouette impose le musicien en véritable maître, droit dans son costume ; le fond vert, enfin, lui confère son caractère unique, il l'isole (l'artiste face à la foule ? le Noir face aux Blancs ? ou le précurseur face aux plagiaires ?). L'ensemble oblige au respect et je te l'avoue, je suis intimidé devant ce portrait.

Par ailleurs, le style "pochoir" n'empêche pas Ivan Messac de retranscrire la facétie de Chuck Berry avec son oeil qui frise ("Sweet little sixteen"), la lunaire dérision de Robert Smith ("Boys don't cry"), l'étrangeté d'un Lou Reed à tendance Frankensteinienne ("The blue mask") ou encore la mystérieuse intériorité de Bob Dylan inscrit dans une guitare ("Knockin'on heaven's door").

Dans ses toiles en apparence fort semblables (des couleurs, des guitares, un musicien), Ivan Messac distille des détails qui accordent à chaque oeuvre, et par conséquent à chaque artiste portraituré, une identité propre.

Je retrouve des éléments connus, à l'instar de la banane du Velvet pour Lou Reed, du Love Symbol de Prince (50 ans depuis peu ; cela signifie-t'il que, moi aussi, je vieillis !) ou des blue suede shoes de Carl Perkins ("Blue suede shoes").
Pour des raisons personnelles, je vote pour Bruce Springsteen ("Blinded by the light"). Le Boss apparaît dans toute son effervescence rock : je constate le corps arqué sur sa Telecaster, j'aperçois la sueur du musicien, manches de chemise retroussées, qui se refuse à toute économie et je devine la foule transportée.
Ce texte est dédié à Elfi, avec le souvenir du poster de Bruce Springsteen.

A toi de voir...

Merci à Alain Rémond et Jérôme Garcin.

Exposition "Ivan Messac - My generation"
du 30/05/08 au 28/06/08
Galerie Laurent Strouk
8 bis rue Jacques Callot
75006 Paris
www.popgalerie.com

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Quand je pense à Elfi, les premières images qui me reviennent sont des images de bonheur, celles de l’adolescente espiègle aux yeux rieurs, toujours prompte à faire une blague, de la jeune femme gaie, débordant de joie de vivre...
Je la revois encore avec ses lunettes de star, dans sa Mini décapotable qu’on remarquait de loin.

Elfi est partie trop vite, trop tôt…