30 novembre 2008

Quand les grands esprits se rencontrent...

A voir en écoutant : Nas - Surviving The Times



Cher lecteur,


je réalise aujourd'hui qu'au cours de nos derniers échanges, je n'ai pas eu l'occasion de te parler de celui qui, en quelques jours, a occupé davantage de couverture médiatique que notre président après plus d'un an de règne (un challenge qui n'est pas à la portée du tout venant...). Sur sa fiche wiki, trois mots le définissent : Hawai, Afro-américain, Sénateur. Sur ses lèvres, trois mots définissent l'espoir : "Yes we can".
Alors qu'en ces lendemains d'élections historiques, la question qui obsède la plupart de nos contemporains est de savoir ce que fera le premier président noir américain, celle qui me taraude en repensant à ma visite de la galerie Jean-Marc Patras est plus essentielle : Barack Hussein Obama, 44e président des Etats-Unis, sera-t-il le 15e portrait de la série African Spirits de Samuel Fosso ?

Au gré de mes pérégrinations maraisiennes, j'ai en effet découvert par hasard les photographies de Samuel Fosso.

Immédiatement impressionné par la dimension des portraits (110 x 85), je suis ensuite admiratif de leur composition, de leur simplicité mais aussi de leur qualité technique inédite. Surtout, je te l'avoue (car maintenant, on se dit tout, n'est-ce pas ?) mon oeil naïf, après avoir parcouru l'ensemble des "toiles", ne comprend que trop tard la supercherie : je suis tombé dans le piège des mises en scène de l'auteur... Il faut un certain temps à mon regard - cette fois peu averti - pour remarquer que, sur chaque cliché, je suis face au même usurpateur d'identités, Samuel Fosso en personne.

Photographe précoce, Samuel Fosso est cet enfant de 13 ans qui ouvrait seul son studio à Bangui, avec comme inscription quasi-publicitaire sur son comptoir : "Vous serez beau, chic, délicat et facile à reconnaître". C'est le même homme qui se travestit aujourd'hui devant son propre objectif, dans un décor usant, en les revisitant, les codes du studio traditionnel africain, afin de réaliser des caricatures minutieuses et éminemment modernes.

La série African Spirits est une autre étape dans le travail de Samuel Fosso : en choisissant de rassembler sous la bannière des esprits africains 14 grandes figures d'une "identité noire", il fait appel à une mémoire collective et visuelle forte.
Ces grands esprits ont tous leur image inscrite dans nos souvenirs.

Ce poing levé à Mexico, ce doigt pointé à Memphis, cette afro revendicatrice, mais aussi la bague au croissant de Malcom X, les lunettes de Patrice Lumumba, les décorations militaires d'Hailé Sélassié : ces éléments ont figé des icônes, aujourd'hui reconnaissables par leurs seuls attributs et attitudes. L'autoportrait échappe ainsi à son auteur : il disparaît derrière le masque de ses modèles. Ici, ce sont les détails qui font l'histoire.

Le travail de Samuel Fosso n'est donc pas simplement photographique. Il réside pour une grande part dans la préparation et la performance de l'artiste : son corps est transformé dans un portrait christique de Mohammed Ali et son regard transfiguré dans celui de Martin Luther King.

Quand on lui pose la question, il avoue "j'emprunte une identité. Pour réussir, je me plonge dans l'état physique et mental nécessaire. C'est une façon d'échapper à moi-même".

A toi de voir...

Merci à Alain Rémond et Jérôme Garcin.

Samuel Fosso
"African Spirits"
Du 25/10/2008 au 25/03/2009
Jean-Marc Patras / galerie
8 rue Sainte Anastase
75003 Paris

http://www.jeanmarcpatras.com/

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